Assurance vie et placements financiers : jusqu’où va la responsabilité du conseiller ?
information fournie par Mingzi 01/07/2025 à 08:00

Un mauvais conseil d'investissement sur une assurance-vie peut-il engager le conseiller qui l'a donné ? (Crédits photo: Shutterstock)

Un épargnant mal conseillé demande réparation après avoir subi d'importantes pertes sur un contrat d'assurance-vie. Mais tant que le contrat n'est pas racheté, peut-on vraiment parler de préjudice ?

Le 30 septembre 2008, Monsieur H souscrit un contrat d'assurance-vie sur les conseils d'une société en gestion de patrimoine. Au fil des ans, il effectue plusieurs arbitrages, toujours conseillé par cette société, investissant dans des produits financiers sophistiqués aux échéances fixées en 2014 et 2016. Mais en 2019, considérant avoir subi d'importantes pertes, il attaque la société en gestion de patrimoine et les assureurs, pour manquement à son obligation de conseil.

L'affaire arrive devant la Cour d'appel, qui donne raison à Monsieur H, estimant que les conseils prodigués n'étaient pas adaptés à son profil d'investisseur. La Cour le dédommage au titre d'une « perte de chance ». Les assureurs se pourvoient alors en cassation.

Prescription : quand le compte à rebours commence-t-il ?

Premier point débattu : l'action de Monsieur H est-elle prescrite ? En matière civile et commerciale, une action en responsabilité se prescrit en principe par cinq ans à partir du moment où le demandeur a connaissance des faits dommageables.

Les sociétés soutenaient que ce délai avait commencé à courir en 2014, à l'échéance du premier support financier. Mais la Cour de cassation ne l'entend pas ainsi. Selon elle, tant que le contrat d'assurance-vie est en cours (ce qui est le cas ici), les pertes ne sont pas encore « réalisées ». Le dommage n'est donc pas avéré, et le délai de prescription ne peut débuter.

Cette position protège les souscripteurs, en leur laissant le temps de constater les conséquences financières réelles de leur investissement.

Perte de chance : une décision prématurée

Le second débat portait sur l'évaluation du préjudice. La cour d'appel avait estimé que Monsieur H avait subi une perte de chance de ne pas avoir été correctement conseillé, et donc d'éviter des pertes.

Mais ici, la Cour de cassation casse cette décision. Elle rappelle un principe fondamental : pour indemniser une perte de chance, encore faut-il que cette chance ait réellement disparu. Or, dans cette affaire, le contrat est toujours en cours, et sa valeur peut encore fluctuer — à la hausse comme à la baisse. Le préjudice n'est donc pas encore établi avec certitude.

Source : Cour de cassation - 26 mars 2025 - N° de pourvoi : 24-10.430