La Bourse joue l’air des anciens contre les modernes information fournie par Les sélections de Roland LASKINE 27/06/2025 à 10:55
Le 27 juin 2025
Les indices sont comme les trains, l'un peut cacher l'autre. Alors que le Nasdaq Composite franchit tous les jours de nouveaux records de hausse, avec une envolée de près de 12% sur les trois derniers mois, le Dow Jones composé de valeurs plus traditionnelles reste à la traîne. Les indices européens s'affichent en revanche tous en baisse sur la même période. Visiblement, les révisions à la baisse des perspectives de croissance mondiale et la multiplication des conflits armés dans le monde n'affectent pas les marchés de la même manière. Personne n'est dupe, tout le monde a bien compris que la conjoncture se dégrade et que les profits des entreprises vont être mis à rude épreuve. Dans ces conditions, on ne peut pas reprocher aux abeilles de toutes tourner autour du même pot de confiture…
Les indices européens, qui représentent l'économie réelle, sont malmenés parce que l'activité perd de sa vigueur dans la plupart des domaines d'activité. Le rebond des valeurs cycliques sur lesquelles les investisseurs s'étaient tournés en début d'année a fait long feu et, faute de perspectives attrayantes, les valeurs de croissance ne font plus rêver. LVMH et L'Oréal sont, par exemple, revenus à leurs niveaux du début de fin 2020. Seules les valeurs technologiques capables de générer leur propre croissance grâce à l'innovation, ainsi qu'aux gains de productivité auxquels elles donnent accès, sont plébiscitées. Le Nasdaq, sur lequel se retrouvent tous les fleurons de la « tech » américaine, fait donc la course en tête et laisse les autres indices sur le carreau. Rien de nouveau sous le soleil, la Bourse nous ressert la querelle des anciens contre les modernes, que nous connaissons depuis l'Antiquité.
Les héros du jour sont les sociétés tournées vers l'IA, comme Nvidia, Micron Technologies, On Semiconductor, ARM Holdings, Microsoft ou bien encore Applied Materials. Même chose pour l'intermédiaire financier Coinbase Global qui est à la fois porté par la hausse du bitcoin et par l'adoption du Genius Act par le Sénat américain qui constitue le premier cadre fédéral de sécurisation des Stablecoins adossés au dollar. En Europe, quelques rares acteurs de la « tech », comme l'allemand SAP, le néerlandais ASML ou le franco-italien STMicroelectronics retrouvent eux aussi des couleurs. Autant d'histoires qui se moquent comme d'une guigne de l'état du commerce mondial ou des brouilles picrocholines des vieilles nations de l'ancien monde.
Mais revenons à la vraie vie, c'est-à-dire à notre investisseur individuel fait de chair et d'os, qui se lève tous les matins en se demandant comment il doit s'y prendre pour gérer au mieux son PEA. Le Nasdaq nous enflamme, mais les règles de fonctionnement du PEA nous font rapidement revenir sur terre. Faut-il rappeler que le Plan d'Épargne en Actions, qui nous exonère de la fiscalité ordinaire sur les plus-values et les dividendes, doit être impérativement composé d'actions de sociétés ayant leur siège social dans l'Union Européenne. Il est bien possible de mettre en portefeuille des ETF synthétiques, comme le tracker Amundi PEA Nasdaq 100, dont nous possédons 300 parts dans le portefeuille PEA Monde. Il s'agit d'un excellent ETF, mais cela ne suffit pas à construire une stratégie de long terme constituée, en priorité, de valeurs européennes.
Après avoir tourné le problème dans tous les sens, nous en sommes venus à la conclusion que le seul moyen de s'adapter aux piètres performances du Vieux continent est de réduire la voilure et de sélectionner un panel de sociétés peu sensibles à la conjoncture. Au cours de ces dernières semaines, nous n'avons ainsi eu de cesse de renforcer la part des liquidités et de resserrer nos choix de valeurs. Cette stratégie porte ses fruits, puisque sur trois mois tous nos portefeuilles progressent, alors que l'indice CAC 40 recule de près de 6% à la clôture du 26 juin (cf nos graphiques ci-joints).
Nos deux portefeuilles de détention d'actions en direct, le Défensif et l'Offensif, affichent des scores de respectivement 2,8% et 2,4% sur les trois derniers mois. Ce comportement n'a rien d'exceptionnel de la part d'une gestion défensive, il l'est moins pour l'Offensif qui aurait pu suivre, voire accentuer, le mouvement général. Sa résistance s'explique par la présence de sociétés appartenant aux secteurs de l'aéronautique, de l'énergie et de la finance qui se sont dans l'ensemble bien comportés. Notre sélection d'ETF Monde progresse de son côté de 1,75%, elle est portée par nos trackers Amundi Euro Stoxx Bank, Insurance et Nasdaq 100. Dans la série, les gens heureux n'ont pas d'histoire, notre discrète sélection de fonds ISR/PEA, gérée de façon ultra-défensive, continue de caracoler en tête.
Quelle stratégie adopter pour l'été ? Les températures caniculaires qui s'installent sur la France sont une invitation à rester à l'abri des chaleurs extrêmes et des orages dévastateurs. Avec, désormais, près de 50% de l'actif en liquidités, nous serions tentés d'en faire autant. Nous aurions tort de nous endormir sur nos lauriers. Comme le montre l'ouverture en hausse de ce vendredi matin, le passage à vide de la cote européenne n'est peut-être que temporaire. Il suffirait de quelques nouvelles positives, notamment sur le terrain des négociations portant sur les tarifs douaniers, pour que la perception du marché change du tout au tout. Nous ne sommes donc pas dispensés de rechercher de nouvelles opportunités d'investissement. Une des pistes à suivre serait, par exemple, de continuer à explorer la cote allemande. L'indice Dax 40 affiche une hausse de près de 18,8% depuis le début de l'année, alors que le CAC 40 ne progresse que de 2,4% à la clôture de jeudi soir. Une partie de notre retard s'explique par la spécificité de l'indice de référence français très dépendant des valeurs du luxe touchées de plein fouet par la crise des droits de douane et le recul de la demande chinoise. Mais la surperformance de la cote allemande s'explique aussi par l'élection du chancelier Friedrich Merz qui a redonné une orientation claire et volontariste à l'action du gouvernement après une longue période d'indécision politique. Notre pays se trouve dans une situation diamétralement opposée. L'Allemagne est peu endettée, elle a adopté un budget pour 2025 et un projet de cadrage budgétaire pour 2026 portant sur un effort d'investissement de 115,7 milliards d'euros pour cette année et de 123,6 milliards pour la suivante. Trois secteurs sont visés en priorité : la défense, l'énergie et les infrastructures. Nous sommes déjà présents outre-Rhin, via des valeurs comme Deutsche Telekom, Allianz dans l'assurance, ainsi que E-On et RWE dans l'énergie. D'autres titres pourraient venir grossir les rangs des valeurs allemandes, bien placées pour bénéficier du regain d'optimisme de notre proche voisin. Avec un multiple de 18,3 fois les profits estimés à douze mois, l'indice de référence de la Bourse de Francfort ne dispose à ce jour d'aucune prime significative par rapport au nôtre.
Bonne lecture et bon week-end à tous,
Roland Laskine