3 QUESTIONS A - La BCE a raison de rester prudente - Uzès Gestion information fournie par Reuters 30/01/2025 à 18:30
La Banque centrale européenne (BCE) a poursuivi jeudi son cycle de réduction des coûts d'emprunt en abaissant de nouveau d'un quart de point son principal taux directeur, à 2,75%.
Cette nouvelle baisse, la cinquième depuis juin 2024, intervient alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) a choisi de marquer une pause sur les taux et laissé entendre que cela pourrait durer.
Alexandre Perricard, directeur général d'Uzès Gestion, estime auprès de Reuters que la BCE a eu raison de ne pas emboîter le pas de la Fed, tout en se montrant prudente mais confiante sur les perspectives d'inflation et de croissance en zone euro.
1./ La BCE a baissé ses taux de 25 points de base ce jeudi mais certains experts plaidaient pour une réduction de 50 points au regard de la faiblesse de la croissance économique en zone euro. La BCE a-t-elle été trop prudente?
On pouvait envisager un assouplissement de 50 points de base mais il a été clairement indiqué, durant la conférence de Christine Lagarde, que ce point n'avait pas été envisagé, ni même discuté par le conseil des gouverneurs. On a aujourd'hui un contexte qui justifie la poursuite d'un assouplissement progressif puisque la banque a indiqué qu'elle devrait rejoindre son objectif d'inflation à moyen terme dans le courant de 2025. La banque a aussi indiqué que le processus de désinflation est en bonne voie, ce qui veut dire que l'on n'a pas encore atterri. Il y a encore des éléments de tension, notamment sur l'inflation intérieure qui est toujours sous la pression de la composante services qui oscille autour de 4%. La BCE a donc raison de garder un peu de munitions pour le futur dans un environnement instable. Il n'y a rien qui justifiait de mon point de vue d'aller plus vite que la musique. Christine Lagarde a toutefois eu une tonalité plutôt optimiste avec une confiance dans un rebond de la croissance 2025 et le refus d'utiliser le terme de stagflation.
2./ Mercredi, la Fed a décidé de laisser inchangés ses taux en raison notamment des inquiétudes sur l'inflation et de l'impact de la future politique de Donald Trump. Ce découplage dans la politique monétaire pourrait-il s'accentuer et créer des effets inattendus en zone euro?
Le découplage du rythme monétaire entre la BCE et la Fed s'est en effet accéléré avec une baisse totale de 125 points de base pour le premier et de 100 pour le second. Mais la BCE a raison de maintenir ce chemin qui lui est propre car les conditions en zone euro ne sont pas les mêmes qu'aux Etats-Unis.
Bien sûr, cela aura des conséquences sans pour autant contrecarrer totalement les effets positifs de l'assouplissement monétaire en cours en zone euro. Certes, la force du dollar peut être pénalisante pour la zone euro avec une inflation importée, mais il y aura d'autres éléments qui vont aller dans le sens inverse. Si on regarde ce qui se passe avec la Chine au niveau du commerce, on a plutôt une Chine déflationniste aujourd'hui. En outre, il faudra un certain temps pour en observer les conséquences concrètes en matière d'inflation des décisions que prendra l'administration Trump sur les tarifs douaniers. Jerome Powell, le président de la Fed, a bien insisté sur le fait qu'il tenait à son indépendance en matière de fixation de la politique monétaire aux Etats-Unis malgré les déclarations de Donald Trump. Il va y avoir des forces contradictoires.
3./ Comment vont évoluer les taux directeurs de la BCE pour le reste de l'année?
Sur cette année, je table sur un total de 100 points de base de baisse des taux, ce qui ramènerait le taux de dépôt à 2%, avec quatre baisses de 25 points de base si la BCE opte pour un rythme régulier. Ce serait en quelque sorte un taux neutre qui n'accélère ni ne freine l'économie.
Ce taux de 2% pourrait durer si les projections en matière d'inflation se maintiennent bien dans la cible de 2% à moyen terme, c'est-à-dire sur trois ans. Mais il faut voir ce qui se passera ailleurs dans le monde, la manière dont la croissance évoluera. Il y aura d'autres paramètres à analyser. Le 7 février il y aura une étude qui sera publiée sur le taux naturel ou neutre pour indiquer où la BCE se positionne.
(Propos recueillis par Claude Chendjou, édité par Sophie Louet)