
Vue de Mamoudzou, la capitale de Mayotte, le 21 avril 2025 ( AFP / Ludovic MARIN )
Un même RSA à Mayotte que dans l'Hexagone: les députés ont voté vendredi pour inscrire dans la loi la convergence sociale de l'archipel à l'horizon de 2031, une mesure "d'égalité" réclamée depuis des années par les Mahorais.
L'examen du projet de loi du gouvernement pour "refonder" Mayotte, déjà adopté au Sénat, s'est achevé à l'Assemblée vers 01H00 du matin. "Ce projet de loi d'une ambition inédite marque l'entrée dans la phase décisive de refondation de Mayotte. Grâce à ce texte, nous avançons résolument vers l'égalité réelle pour les Mahorais", a déclaré le ministre des Outre-mer Manuel Valls dans un communiqué.
Un vote solennel sur l'ensemble du texte doit se tenir mardi à l'Assemblée. Députés et sénateurs chercheront ensuite à s'entendre sur une version commune, avant une possible adoption définitive dès juillet.
Quelques heures avant la fin de l'examen, les députés ont adopté à l'unanimité un article prévoyant la convergence sociale d'ici cinq ans, c'est-à-dire une harmonisation du niveau de prestations sociales entre Mayotte et la métropole.
Dans le département le plus pauvre de France, les montants des droits sociaux ne sont pas les mêmes que dans le reste du pays. Le RSA, par exemple, y est encore deux fois plus bas que dans l'Hexagone.
L'Assemblée a inscrit dans la loi un premier objectif d'atteindre "87,5%" du Smic dès le 1er janvier 2026. Avec la volonté, selon Manuel Valls, de "prioriser le travail".
Plusieurs députés ont rappelé que les promesses de convergence ne sont pas nouvelles mais n'ont jamais été tenues. Le ministre a tenté de les rassurer, affirmant que c'est la première fois que cette convergence est gravée dans la loi.
D'autres ont dénoncé l'horizon de cinq ans, à l'image du député de Guyane Davy Rimane (LFI) qui "n'arrive pas à comprendre qu'on puisse dire à nos compatriotes de Mayotte d'attendre encore".

Le ministre des Outre-mer Manuel Valls s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement, le 24 juin 2025 à Paris ( AFP / Julie SEBADELHA )
"Cinq ans permettent de mettre en œuvre cette convergence sociale dans les meilleures conditions possibles", a répondu M. Valls, afin, notamment, de ne "pas fragiliser les entreprises".
Les députés ont décidé d'exclure l'aide médicale d'Etat (AME) de ce champ, en adoptant un amendement du Rassemblement national, avec le soutien du gouvernement.
Mayotte est le seul département français où l'AME, dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès à certains soins sans avance de frais, ne s'applique pas.
- Nouvelles victoires pour le RN -
Le groupe d'extrême droite a remporté d'autres victoires, comme la limitation aux seuls Français de la prise en charge par l'Etat d'un billet aller-retour annuel pour les lycéens poursuivant leurs études en dehors de l'archipel.
"C'est l'absence" du "socle commun" dans l'hémicycle qui a permis à des mesures "scandaleuses" et "totalement inconstitutionnelles" d'être adoptées, a accusé Manuel Valls après le vote de cette mesure.
Dans la soirée, les députés ont adopté un rapport annexé au projet de loi qui recense les priorités de l'Etat pour Mayotte et les investissements publics prévus entre 2025 et 2031, fléchés vers l'eau, l'éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité. Près de 4 milliards d'euros sont prévus d'ici 6 ans.
Là encore, le volet programmatique, bien que non contraignant (car n'ayant pas de valeur normative) a été largement réécrit par le RN. Une quarantaine de ses amendements ont été adoptés grâce à une mobilisation importante des députés du groupe de Marine Le Pen et face aux bancs quasi vides de la plupart des autres groupes.

Le député du Rassemblement national Yoann Gillet s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement, le 20 mai 2025 à Paris ( AFP / JULIEN DE ROSA )
"Tous ces députés auront été très très absents durant ces plusieurs jours de débats, ce qui démontre leur état d'esprit vis-à-vis de nos territoires ultra-marins", a accusé le député RN Yoann Gillet, se félicitant d'avoir réussi à remanier un texte initialement "trop timide".
Plus tôt dans la journée, les députés ont supprimé une mesure particulièrement irritante pour les Mahorais, qui facilite les expropriations afin de permettre la construction de certaines infrastructures.
L'Assemblée a inscrit dans la loi le recensement exhaustif de la population à Mayotte dès 2025, une disposition très attendue sur l'île.
Depuis des années, les élus locaux affirment que la population est sous-estimée avec pour conséquence des collectivités moins bien dotées qu'elles ne devraient l'être et des services publics saturés.
L'Assemblée a également donné son feu vert à plusieurs modifications institutionnelles, avec la transformation du conseil départemental de Mayotte en une véritable Assemblée.
Plus tôt dans la semaine, les députés s'étaient attaqués aux mesures les plus controversées visant à "redéfinir" l'archipel près de six mois après le cyclone Chido: celles pour lutter contre l'immigration, notamment venant des Comores voisines, et l'habitat informel, deux "fléaux" érigées en priorité par le gouvernement.
Une mesure pour faciliter la destruction des bidonvilles a été adoptée. Ses opposants ont alerté sur le risque d'aggravation du nombre d'enfants à la rue. Une autre permet de placer dans une zone de rétention des mineurs accompagnant un majeur faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.
Plus consensuelle, l'Assemblée a aussi validé la suppression, à l'horizon 2030, des visas territorialisés à Mayotte, qui empêchent les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone.
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