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Effondrements rue d'Aubagne à Marseille : un jugement attendu par toute une ville
information fournie par AFP 07/07/2025 à 09:51

Bannière en hommage aux victimes des effondrements rue d'Aubagne, à Marseille, le 25 octobre 2019 ( AFP / GERARD JULIEN )

Bannière en hommage aux victimes des effondrements rue d'Aubagne, à Marseille, le 25 octobre 2019 ( AFP / GERARD JULIEN )

A 10h00, la justice va rendre son jugement lundi, sept mois après le procès des effondrements de la rue d'Aubagne, pour dire combien des 16 prévenus ont été responsables de ce drame du logement indigne qui avait frappé au coeur de Marseille le 5 novembre 2018.

Qui de l'adjoint au maire, de l'architecte-expert, du syndic ou des copropriétaires a commis une éventuelle faute pénale ? De l'avis de tous, le débat juridique est extrêmement complexe et le président Pascal Gand pourrait prendre un temps significatif pour expliquer une décision mise en délibéré le 18 décembre.

Avant le début du jugement, des crieurs publics ont fait le résumé du procès, au son de l'accordéon, devant la caserne du Muy, siège des procès hors normes du tribunal judiciaire de Marseille, en présence de plusieurs familles des huit victimes de ces effondrements et notamment des parents de Simona, venus d'Italie.

Il faut "que ce drame là ne se reproduise plus jamais" et que "la peur change de camp au niveau du logement aujourd'hui", a plaidé Anissa, de l'assemblée des délogés, rappelant qu'il y avait encore quelque 200 signalements d'immeubles en péril chaque mois à Marseille.

"Le tribunal a une grande responsabilité, mais qu'il soit sûr que nous, les familles, on croit dans leur travail, on croit dans leur conscience", avait insisté auprès de l'AFP il y a quelques jours Liliana Lalonde, mère de Julien Lalonde, mort à 30 ans dans ce drame, avec sept autres locataires du 65 rue d'Aubagne, en plein centre-ville.

Elle espère "un message fort, à savoir des punitions, des condamnations qui puissent les faire réfléchir et surtout les convaincre qu'ils ne peuvent plus continuer (comme avant). Parce qu'à mes yeux ils sont tous responsables, à différents degrés, mais tous responsables".

- "Plus de maman, plus rien" -

Ce procès, qui avait duré un mois et demi à l'automne, avait été bien plus qu'une simple affaire judiciaire et la salle du Muy avait accueilli toute la colère et la tristesse de la ville.

Au fil des audiences, les larmes avaient abondamment coulé face aux récits des parcours lumineux ou cabossés des victimes. Notamment à l'évocation du petit El Amine, fils d'Ouloume Saïd Hassani, "parti le matin avec son cartable et le soir, plus de maman, plus de vêtements, plus rien".

Des pompiers inspectent un bâtiment rue d'Aubagne, à Marseille, le 8 novembre 2018 ( AFP / GERARD JULIEN )

Des pompiers inspectent un bâtiment rue d'Aubagne, à Marseille, le 8 novembre 2018 ( AFP / GERARD JULIEN )

Les débats ont permis d'établir que les effondrements des numéros 63 (vide) et 65 étaient inéluctables vu l'état du bâti. Mais aucune mise à l'abri des locataires du 65 n'avait été décidée et les travaux entrepris s'étaient avérés inefficaces voire contreproductifs.

L'instruction avait seulement renvoyé quatre personnes devant le tribunal : Julien Ruas, adjoint du maire LR de l'époque Jean-Claude Gaudin, l'architecte Richard Carta qui avait expertisé l'immeuble moins de trois semaines avant son effondrement, et deux personnes morales, le syndic du 65, le cabinet Liautard, et le bailleur social propriétaire du numéro 63, laissé à l'état de ruine par Marseille Habitat.

Insuffisant pour certaines parties civiles qui avaient cité à comparaître une douzaine de personnes supplémentaires, dont des copropriétaires.

Au final, 16 personnes morales et physiques ont été jugées pour différents délits, notamment homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité, un délit punissable de cinq ans de prison maximum, et soumission de personnes vulnérables dont au moins un mineur à des conditions d'hébergement indigne, des faits qui peuvent valoir jusqu'à dix ans d'emprisonnement.

- Quid des copropriétaires ? -

Le tribunal va-t-il condamner les propriétaires, qui n'avaient pas été poursuivis par le juge d'instruction ?

Le procureur, Michel Sastre, avait suivi les parties civiles sur ce point, estimant que les copropriétaires avaient bien "connaissance des problèmes structurels de l'immeuble", mais avaient "joué la montre" pour "dépenser le plus tard et le moins possible".

Photo prise le 17 octobre 2024 du lieu des effondrements de 2018 rue d'Aubagne, à Marseile ( AFP / MIGUEL MEDINA )

Photo prise le 17 octobre 2024 du lieu des effondrements de 2018 rue d'Aubagne, à Marseile ( AFP / MIGUEL MEDINA )

Il avait même requis à l'encontre de Xavier Cachard, élu régional qui avait au moment des faits la double casquette de propriétaire et avocat du syndic, la peine la plus lourde : cinq ans de prison dont trois ferme.

Des peines significatives avaient aussi été réclamées contre Richard Carta, l'expert-architecte (trois ans de prison dont deux ferme) et Julien Ruas (trois ans de prison), seul élu municipal poursuivi dans cette affaire qui avait jeté une lumière crue sur l'inaction de l'équipe de Jean-Claude Gaudin, dont le parti perdra la mairie deux ans plus tard face à une coalition gauche-écologistes-société civile.

Durant les débats, les prévenus avaient contesté en bloc, les avocats plaidant des relaxes en cascade.

A Marseille, où l'habitat indigne prospère sur la précarité, ces décisions comptent. Depuis le drame, la justice de la deuxième ville de France n'hésite d'ailleurs plus à envoyer les marchands de sommeil en prison, comme en mars le propriétaire d'une trentaine de studios insalubres dans une ex-résidence universitaire.

1 commentaire

  • 07:15

    Le débat est complexe, donc les politiques s'en tireront encore une fois.


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