Programmation énergétique: débats scrutés au Sénat, sur fond de discorde gouvernementale information fournie par AFP 08/07/2025 à 16:45
Les désaccords gouvernementaux autour des énergies renouvelables se sont invités mardi au Sénat avec l'examen d'une loi sur l'avenir énergétique de la France actant une relance massive du nucléaire, censée aider l'exécutif à finaliser sa programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) "avant la fin de l'été".
Les débats sur la proposition de loi du sénateur Les Républicains Daniel Gremillet (Vosges) se sont ouverts en début d'après-midi. Un vote sur le texte est prévu dans la soirée ou dans la nuit.
Mais au-delà du scrutin, qui sera sauf surprise largement favorable, ce sont les passes d'armes des derniers jours qui ont cristallisé les discussions.
La coalition gouvernementale est en effet fragilisée par l'opposition frontale entre camp macroniste et droite, depuis que le patron des Républicains (LR) - et ministre de l'Intérieur - Bruno Retailleau s'est fendu d'une tribune au Figaro dans laquelle il plaide pour la fin des "subventions publiques" pour l'éolien et le photovoltaïque...
"Une tribune dont je déplore les constats et les recommandations à de nombreux égards", a martelé le ministre de l'Industrie Marc Ferracci (Renaissance) devant les sénateurs, assurant que "certaines énergies renouvelables sont très compétitives".
Lui défend "un mix énergétique équilibré combinant la puissance du nucléaire et le potentiel des énergies renouvelables"... Deux piliers qui figurent bien dans le texte examiné au Parlement.
- 14 nouveaux réacteurs -
Le groupe LR, première force au Sénat, s'est de son côté employé à expliquer que sa vision n'était pas incompatible avec celle de Bruno Retailleau, qui est d'ailleurs le coauteur du texte débattu au Sénat.
"Il n'y a absolument pas de contradiction, car le financement des énergies renouvelables relève du projet de loi de finances. C'est là que des choix seront à faire", a insisté le sénateur LR Alain Cadec.
La gauche n'a pas manqué de s'engager dans cette brèche, fustigeant l'absence de volet financier dans cette loi programmatique, mise au débat sans étude d'impact ni avis du Conseil d'Etat.
"Quels seront les impacts de cette loi sur le prix de l'électricité payée par les Français ? Sur le montant nécessaire d'investissements publics ? Sur notre trajectoire climatique ? Sur notre souveraineté? On n'en sait rien. C'est irresponsable", s'est indigné l'écologiste Yannick Jadot.
La majorité sénatoriale défend tout de même sa vision qu'elle juge "équilibrée": d'une part une relance massive du nucléaire, avec notamment la construction de 14 nouveaux réacteurs; d'autre part des objectifs pour l'essor des énergies renouvelables avec d'ici 2030, une part d'énergie décarbonée d'au moins 58% de la consommation d'énergie en France, contre environ 40% actuellement.
Cette architecture a fait l'objet de négociations entre gouvernement, sénateurs et députés de l'ex-majorité présidentielle, au point de faire quasiment consensus.
- Examen chaotique -
C'est une prouesse au vu des conditions chaotiques de l'examen du texte à l'Assemblée nationale. Il y avait été dénaturé à l'initiative notamment du Rassemblement national et des Républicains : un amendement de ces derniers instaurant un moratoire sur les énergies éolienne et solaire avait mis le feu aux poudres, convainquant les groupes de l'ancienne majorité macroniste de voter contre l'ensemble du texte.
En seconde lecture, cette disposition ne peut plus être mise au débat en raison des règles de procédure parlementaire. Le Sénat n'y était de toute façon pas favorable, même s'il a voté une mesure précisant la nécessité de "privilégier le renouvellement des installations existantes" plutôt que l'implantation de nouveaux projets.
Pour cette deuxième lecture, les sénateurs ont par ailleurs choisi de condenser la proposition de loi en supprimant une douzaine d'articles, soit environ un tiers du texte, privilégiant le volet programmatique par rapport aux mesures de simplification. L'objectif: accélérer la navette parlementaire.
Mais cela pourrait ne pas suffire pour convaincre le gouvernement d'attendre l'adoption définitive de cette loi pour finaliser sa programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), la trajectoire énergétique qu'il entend publier prochainement par décret.
Le décret sera publié "avant la fin de l'été", a en effet assuré M. Ferracci... Un délai incompatible avec la deuxième lecture du texte par les députés fin septembre, puis la tenue d'une commission mixte paritaire attendue mi-octobre pour aboutir à une rédaction commune aux deux chambre du Parlement.