Négociations commerciales États-Unis/Canada : le prix Nobel de l'économie Stiglitz fustige des milliardaires de tech, qui "dictent" leur politique
information fournie par Boursorama avec Media Services 30/06/2025 à 10:59

La décision du président américain de rompre les négociations avec le Canada illustre "une escalade préoccupante dans la lutte mondiale entre la gouvernance démocratique et le pouvoir incontrôlé des entreprises".

Donald Trump à Washington, aux États-Unis, le 27 juin 2025. ( GETTY IMAGES NORTH AMERICA / JOE RAEDLE )

Le nouvel épisode dans la guerre commerciale que Donald Trump livre à son voisin canadien constitue une "agression caractérisée" contre la souveraineté de ce dernier, dénonce lundi 30 juin une organisation coprésidée par le prix Nobel d'économie américain Joseph Stiglitz, qui accuse les milliardaires de la tech de "dicter" leurs politiques. Le président américain avait annoncé vendredi la rupture unilatérale des négociations commerciales en raison de l'entrée en vigueur d'une taxe sur les services numériques.

"Il ne s'agit pas seulement de commerce, il s'agit de savoir si des gouvernements démocratiquement élus peuvent réglementer et taxer de puissantes entreprises, ou si des milliardaires de la tech peuvent dicter des politiques par l'intermédiaire de relais politiques" , a dénoncé Joseph Stiglitz dans un communiqué. Une allusion au président des États-Unis, Donald Trump, qui avait mis fin vendredi aux négociations commerciales avec le Canada dans un message lapidaire sur son réseau Truth Social, qualifiant une taxe du pays voisins sur les géants du numérique de "coup direct et évident" contre les États-Unis.

Dimanche, sous la pression des États-Unis, le Canada a annoncé l'annulation de cette taxe dans l'espoir de parvenir à un accord commercial avec son voisin d'ici au 21 juillet.

La taxe sur les services numériques (TSN) mise en place l'an dernier visait les géants de la tech qui réalisent un chiffre d'affaires mondial annuel supérieur à 1,1 milliard de dollars canadiens, et engrangent des revenus annuels au Canada supérieurs à 20 millions de dollars canadiens. Sa collecte était censée débuter à partir de lundi.

"Agression caractérisée" contre la souveraineté d'Ottawa

Cette ponction de 3% sur les revenus tirés de la publicité en ligne , des plateformes de vente, des réseaux sociaux ou de la vente de données personnelles devait particulièrement affecter les géants américains de la tech, tels que Google, Apple, Meta (Facebook), Amazon ou Microsoft, accusés de profiter du caractère immatériel de leur activité pour échapper à l'impôt.

Avant ce changement de pied du Canada, la commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des sociétés (ICRICT), coprésidée par Joseph Stiglitz, avait dénoncé une "agression caractérisée" contre la souveraineté d'Ottawa , l'exhortant à "tenir bon" face à Donald Trump.

Interrogé par Fox News avant que le Canada n'annonce le retrait de la mesure, Donald Trump avait assuré que "les gens ne réalisent pas à quel point il est désagréable de négocier avec le Canada", réitérant sa volonté de voir le pays devenir le 51e État américain. La Maison Blanche n'a pas réagi dans l'immédiat à cette nouvelle donne.

Pour l'ICRICT, la décision du président américain de rompre les négociations est une "tentative d'intimidation" et illustre "une escalade préoccupante dans la lutte mondiale entre la gouvernance démocratique et le pouvoir incontrôlé des entreprises". Il s'agit selon elle d'une "attaque contre le principe même selon lequel les entreprises doivent contribuer équitablement" notamment à "financer les infrastructures et les services publics dont elles bénéficient".

S'affranchir des protocoles diplomatiques "sert un objectif clair : éviter que les riches géants de la technologie paient leur juste part d'impôts au Canada" , a encore dénoncé l'organisation de Joseph Stiglitz, fervent défenseur de la réforme de la fiscalité internationale.