La justice suspend la Première ministre, nouvelle crise en Thaïlande
information fournie par AFP 01/07/2025 à 12:20

La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra (C) arrive avec des membres de son cabinet avant une réunion à la Maison du gouvernement à Bangkok, le 1er juillet 2025 ( AFP / Lillian SUWANRUMPHA )

La Cour constitutionnelle a suspendu mardi la Première ministre Paetongtarn Shinawatra, l'héritière de la dynastie qui polarise la Thaïlande depuis plus de vingt ans, ouvrant une nouvelle période d'incertitudes.

Les juges ont décidé à une majorité de sept contre deux de suspendre la cheffe du gouvernement, accusée par des sénateurs conservateurs d'avoir enfreint les "standards éthiques" exigés dans la Constitution pour occuper son rôle.

L'avenir de la plus jeune Première ministre qu'ait connue le royaume, 38 ans, s'inscrit en pointillés le temps des délibérations de la Cour, qui peuvent durer des semaines, voire des mois. Le vice-Premier ministre Suriya Jungrungreangkit va prendre la relève en son absence, selon les médias locaux.

"J'accepte la décision de la Cour", a réagi Paetongtarn.

"Je tiens à réaffirmer que j'ai toujours eu l'intention d'agir pour ce qu'il y a de mieux pour mon pays", a-t-elle poursuivi. "J'aimerais m'excuser auprès des Thaïlandais qui ressentent de la frustration."

Depuis les années 2000, des troubles politiques à répétition secouent la deuxième économie d'Asie du Sud-Est, mais la crise en cours intervient en pleine offensive douanière américaine, qui a mis le gouvernement au devant de décisions cruciales.

- "Dilution critique" -

"En tant que voisin amical, nous espérons que la Thaïlande maintiendra sa stabilité et son développement", a indiqué lors d'un point de presse régulier Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Les prochaines semaines s'annoncent aussi déterminantes pour le clan Shinawatra, qui va jouer sa survie politique devant des tribunaux qui, par le passé, ont condamné ses membres les plus influents, et dissous leurs partis affiliés. Le procès pour lèse-majesté du patriarche Thaksin s'est aussi ouvert mardi.

Selon l'analyste politique Thitinan Pongsudhirak, il existe un lien direct et indéniable entre les deux affaires, la marque de la famille Shinawatra étant confrontée à une "dilution critique".

La dynastie Shinawatra, soudée autour du milliardaire Thaksin, a longtemps incarné un contre-poids à l'establishment conservateur aligné avec le roi et l'armée.

Un appel téléphonique entre Paetongtarn et l'ancien Premier ministre cambodgien Hun Sen, que celui-ci a partagé en ligne à l'insu de son interlocutrice, a mis le feu aux poudres. Dans cet entretien, censé apaiser les tensions à la frontière, la dirigeante a comparé un général thaïlandais à un "opposant" et utilisé un ton jugé trop révérencieux vis-à-vis de son aîné.

Ses rivaux conservateurs l'ont attaquée sur son manque de poigne et d'expérience dans ce dossier propice à la surenchère patriotique, dans lequel la Thaïlande et le Cambodge s'opposent depuis des décennies.

- Lèse-majesté -

L'an dernier, la Cour Constitutionnelle a destitué son prédécesseur Srettha Thavisin en vertu du même article sur l'intégrité qui la concerne. Les délibérations avaient duré plus de 80 jours.

Une figure du principal parti d'opposition a appelé à la tenue d'élections, deux ans après les dernières.

"Paetongtarn a perdu son autorité morale", a déclaré à l'AFP Rangsiman Rome. "Dissoudre l'Assemblée est la solution."

Par le passé, l'instabilité gouvernementale a aussi servi de justification à l'armée pour prendre le pouvoir. La Thaïlande a connu une douzaine de coups d'Etat réussis depuis la fin de la monarchie absolue en 1932, et le dernier putsch remonte à 2014.

Au même moment s'est ouvert le procès de lèse-majesté contre Thaksin, en présence de l'intéressé.

L'ancien Premier ministre (2001-2006), âgé 75 ans, est accusé d'avoir insulté le roi et sa famille dans un entretien publié dans un journal sud-coréen en 2015.

Les auditions de son procès sont programmées tout le long du mois de juillet, et il faudra attendre au moins un mois de plus avant un verdict. Le magnat des télécoms nie avoir tenu des propos diffamatoires.

Des groupes de juristes et des militants des droits humains ont régulièrement critiqué l'instrumentalisation de cette loi pour bâillonner les voix critiques de la monarchie et de ses alliés.