Energie : ce que les partisans du tout nucléaire reprochent aux renouvelables information fournie par Boursorama avec Media Services 08/07/2025 à 08:57
Les sénateurs discutent mardi de la proposition de loi Gremillet sur la trajectoire énergétique de la France, au moment où des partisans du tout nucléaire, à droite et à l'extrême droite, veulent affaiblir les renouvelables. Le gouvernement prône un recours aux deux afin de réduire la dépendance aux combustibles fossiles - pétrole et gaz - qui coûtent cher en importations (plus de 64 milliards d'euros en 2024), réchauffent la planète et obligent à compter sur d'autres pays. Retour sur les principaux griefs contre les énergies renouvelables.
Qu'est-il reproché à l'éolien et au solaire?
Leur intermittence: sans vent ni soleil, les énergies renouvelables (ENR) ne produisent pas d'électricité. Et inversement, quand la demande est trop faible, elles peuvent générer des surplus, parfois accompagnés de prix négatifs.
Les producteurs doivent alors payer pour injecter leur électricité dans le réseau tandis que l'État doit l'acheter à un prix fixé à l'avance, ce qui pèse sur ses finances. Pour limiter ce coût, les éoliennes en mer devront désormais s'arrêter en période de prix négatifs.
D'autres solutions existent: l'évolution des heures creuses/heures pleines, comme prévu à partir de cet automne, et le stockage par batteries, encore embryonnaire, pour absorber la production en surplus.
Les opposants aux renouvelables affirment aussi que leur développement excessif ferait courir le risque d'un black-out , comme en Espagne fin avril - mais cette piste n'a pas été confirmée par le gouvernement espagnol.
Ils font aussi valoir que la montée en puissance des ENR ne permet pas à EDF d'optimiser son parc nucléaire.
Enfin, ils assurent qu'elles sont rejetées par les Français. Mais selon un sondage Ifop d'avril réalisé pour Engie, producteur d'énergie renouvelable, le solaire est perçu favorablement par 89% des Français et l'éolien par 78%.
Bataille sur le coût
Le Rassemblement national évalue le développement des ENR à 300 milliards d'euros dans la prochaine programmation énergétique 2025-2035: plus de 100 milliards en subventions et 200 milliards pour leur raccordement au réseau.
L'État garantit bien un prix d'achat de l'électricité verte afin d'assurer la rentabilité des projets, ce qui représente un soutien public de 100 milliards d'euros, mais il s'agit d'"une estimation maximaliste" étalée "jusqu'en 2060", selon François Bayrou.
Les gestionnaires RTE et Enedis ont de leur côté engagé des plans d'investissement, respectivement de 100 et 96 milliards d'euros d'ici 2040, pour adapter les réseaux électriques aux aléas climatiques et accompagner la décarbonation de l'économie.
Dans ce cadre, RTE va consacrer 53 milliards aux raccordements des futurs parcs éoliens en mer ainsi que des nouveaux réacteurs nucléaires, usines et centres de données. Pour Enedis, sur les 96 milliards prévus, seuls 10 sont dédiés aux ENR.
Le nucléaire peut-il être la réponse à tout?
Les réacteurs produisent plus de 65% de l'électricité générée en France mais le nucléaire présente aussi des faiblesses.
En 2022, la crise de la corrosion sous contrainte avait contraint à l'arrêt de nombreux réacteurs pour des réparations ou des contrôles, menaçant la France de coupures électriques.
Lors des vagues de chaleur, plus fréquentes avec le réchauffement climatique, la production doit parfois être réduite pour respecter les seuils de température et de débit des cours d'eau servant au refroidissement des réacteurs.
Et si le nucléaire "historique" est aujourd'hui entièrement amorti, le programme EPR2, qui prévoit la construction de six nouveaux réacteurs, a déjà vu sa facture prévisionnelle s'envoler de 30%, de 51,7 à 67,4 milliards d'euros, et la mise en service du premier réacteur décalée de 2035 à 2038.
Dans un rapport de janvier, la Cour des comptes se montrait sceptique sur la crédibilité du programme au vu des précédents surcoûts et retards dans les chantiers d'EPR d'EDF.
Celui de Flamanville (Manche) a été raccordé au réseau électrique fin 2024 avec douze ans de retard et une facture totale de 19,3 milliards d'euros aux conditions de 2015, selon EDF, soit six fois le devis initial.
Reste la gestion des déchets nucléaires. Le projet Cigéo d'enfouissement des déchets les plus radioactifs à Bure (Meuse) pourrait coûter davantage que les 25 milliards jusqu'ici envisagés, selon l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Et la Cour des comptes a alerté récemment sur l'urgence de trouver une solution de stockage pour les déchets faiblement radioactifs accumulés au cours des décennies.