Attaque contre Robert Fico: le tireur jugé pour terrorisme en Slovaquie
information fournie par AFP 08/07/2025 à 13:51

Des policiers escortent Juraj Cintula (c) jusqu'à la salle d'audience de Banska Bystrica, pour le début de son procès où il est accusé d'avoir tiré sur le Premier ministre slovaque Robert Fico en mai 2024, le 8 juillet 2025 en Slovaquie ( AFP / Joe Klamar )

Le procès pour terrorisme du tireur septuagénaire qui avait gravement blessé par balle en mai 2024 le Premier ministre nationaliste slovaque Robert Fico a débuté mardi matin devant un tribunal spécial, dans la ville de Banska Bystrica (centre).

Juraj Cintula, un poète slovaque de 72 ans, avait justifié son geste, survenu en pleine rue lors d'un déplacement dans la ville minière de Handlova (centre), par son opposition aux mesures jugées autoritaires du gouvernement slovaque proche du Kremlin.

Si le tireur n'a pas souhaité s'exprimer, le procureur a rappelé des déclarations précédentes, au cours desquelles Juraj Cintula avait détaillé ses motivations.

Il s'était dit en désaccord avec une réforme judiciaire, dénonçait "la persécution du monde de la culture" et "surtout" la suppression de "l'aide à l'Ukraine".

Il avait initialement été inculpé de tentative de meurtre avec préméditation, un crime requalifié ensuite en attentat par le parquet, en raison du motif politique de son geste, qui était "d'empêcher définitivement" la coalition souverainiste formée quelques mois plus tôt d'appliquer son programme.

C'est la seconde fois seulement que la justice de ce pays d'Europe centrale doit examiner un dossier d'attentat, après le meurtre homophobe de deux hommes devant un bar gay en 2022 par un militant d'extrême droite.

La durée du procès est à ce stade inconnue. Le Premier ministre slovaque va témoigner sous la forme d'un enregistrement sonore mercredi devant la cour.

- Ni le coeur, ni la tête -

Durant l'audience, il sera "essentiel d'examiner les intentions" du tireur, estime Tomas Stremy, professeur de droit pénal à l'université Comenius de Bratislava, alors que Juraj Cintula a admis avoir planifié l'attaque deux jours plus tôt, dans une interview accordée à la presse depuis sa détention.

Juraj Cintula (d), accusé d'avoir tiré sur le Premier ministre slovaque Robert Fico en mai 2024, parle avec son avocat Namir Alyastry (g) dans la salle d'audience de Banska Bystrica, avant le début de son procès, le 8 juillet 2025 en Slovaquie ( AFP / Joe Klamar )

Disant ne pas regretter son geste, il est arrivé sûr de lui au tribunal mardi, clamant devant les caméras qu'il faut "laisser vivre une culture libre", en référence aux changements opérés dans le secteurs par le gouvernement.

Il détenait légalement l'arme avec laquelle il a ouvert le feu à cinq reprises sur le dirigeant aujourd'hui âgé de 60 ans, et ne l'a manqué qu'une seule fois.

Il jure n'avoir visé ni le cœur ni la tête de sa victime, ne souhaitant pas attenter à sa vie.

Robert Fico, principale figure politique en Slovaquie où il est revenu au pouvoir après avoir déjà gouverné de 2006 à 2010 puis entre 2012 et 2018, a dû subir deux longues opérations.

Le Premier ministre nationaliste slovaque Robert Fico à Handlova, le 15 mai 2025 ( AFP / JOE KLAMAR )

Selon l'acte d'accusation de 6.200 pages, son traitement médical a duré 42 jours. Il a été dans l'incapacité d'assurer ses fonctions durant deux mois.

Avec ses alliés d'extrême droite, le Premier ministre a fait prendre un virage trumpiste à la Slovaquie, ciblant régulièrement la justice et les médias avec lesquels il entretient des contentieux très anciens liés à différentes affaires.

Des manifestations accompagnent régulièrement ses décisions qui, selon ses détracteurs, éloignent la Slovaquie des normes démocratiques européennes.

- Assassin "créé" -

La fusillade a eu lieu dans un pays habitué à une certaine forme de violence en politique depuis le mandat de Vladimir Meciar, Premier ministre dans les années 1990, qui était accusé d'exercer son pouvoir de manière mafieuse.

Image tirée d'une vidéo obtenue par AFPTV montrant des gardes du corps évacuant le Premier ministre slovaque Robert Fico, blessé par balles, le 15 mai 2024 à Handlova, en Slovaquie ( RTVS / - )

En 2018, Robert Fico avait été contraint de démissionner après le meurtre d'un jeune reporter, Jan Kuciak, qui avait révélé une corruption de haut niveau.

Il avait été reproché au Premier ministre slovaque d'attiser le ressentiment contre les journalistes, traités de "hyènes idiotes".

A son retour de convalescence, Robert Fico a accusé les médias et l'opposition d'avoir "créé un assassin" qui serait le "produit" de leur haine à son égard.

Le tireur avait par le passé participé à des manifestations contre le gouvernement de ce pays de 5,4 millions d'habitants, membre de l'UE et de l'Otan.

"Clairement convaincu" que l'opposition était "derrière cela" et "politicien de nature conflictuelle", M. Fico tente "bien sûr d'exploiter" ce qui lui est arrivé "à son avantage", estime le politologue Grigorij Meseznikov auprès de l'AFP.

Mais "sans preuves concrètes", cette "expérience traumatisante", rare dans un pays de l'Union européenne pour un chef de gouvernement, ne fera pas vraiment bouger les lignes, prévoit le chercheur.

"La polarisation", grâce à laquelle Robert Fico "prospère", "perdurera", dit-il.